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27 juillet 2014 7 27 /07 /juillet /2014 19:00

12/08/2012

 

8ème jour : Éléphants savants et masseurs aveugles

 

 Trois mètres de haut, six mètres de long, quatre tonnes, un seul organe de préhension de cent kilogrammes : déjà là, ça en jette. Mais ne vous y trompez pas : le potentiel d’envoi de purée de l’éléphant d’Asie ne s’arrête pas à des faits bassement physiques. Sachez en effet que derrière ce petit œil qui semble si peu vif, perdu au milieu d’une énorme caboche grise, se cache un intellect insoupçonné. C’est justement ce dont nous allons être témoins aujourd’hui, dans un des nombreux parcs à éléphants de Thaïlande.

 En Asie, on ne badine pas avec l'éléphant. À l'origine, il n'était qu'un moyen de transport plutôt badass (récemment interdit du fait de l'industrialisation, puisqu'il cohabite relativement mal avec les voitures), par la suite il est devenu un artiste du divertissement, mais de tout temps il a été respecté et même considéré comme vénérable en Asie. Traditionnellement, un homme, le mahout ou cornac, est lié à un éléphant pour la vie, à la fois en tant que maître, guide et soigneur ; c'est en Asie que cette relation fusionnelle est la plus développée.

 Retrouvons donc nos trois héros (c'est nous, chouette), devant l'entrée du parc, frais comme des gardons, sur le coup des huit heures et demie du matin. Nous nous munissons immédiatement d'un stock de bananes et de segments de canne à sucre afin de nourrir les bébêtes. En effet, le spectacle des éléphants a lieu à un horaire précis et nous avons presque une heure devant nous. Nous arpentons donc tranquillement la voie principale, quasiment seuls pour le moment, et faisons notre première rencontre : un éléphant et son cornac. La bête est dressée pour poser un chapeau sur la tête des touristes de passage, le tasser un peu par quelques légers coups de trompe, puis le récupérer. Tout ce qui lui est offert, elle le saisit à l'aide de sa trompe avec une agilité impressionnante. The Unstoppable lui tend une banane, aussitôt gobée, puis un segment de canne à sucre, instantanément croqué, et le JG lui tend… un billet de cent ?! Mais oui, c'est bien ça. Cet homme, qui est pris de tremblements spasmodiques et se couvre de plaques rouges à chaque fois qu'on lui tend l'addition au troquet du coin (remarquez qu'en Rhône-Alpes, le café coûte 65 baht), est en train d'offrir un repas au restau à un pachyderme de passage. D'accord. Passé le choc initial, la vraie question est : comment l'animal va-t-il réagir ? Va-t-il gober le biffeton ? Ça la foutrait mal, quand même. Sa trompe jaillit comme un serpent, s'empare prestement de la coupure et…la tend à son mahout. La classe. Nous prenons quelques photos avec la bête quand soudain, horreur ! malheur ! le lieu est envahi par une bande de niards ! Nous battons donc en retraite et, désœuvrés, nous installons à une petite table ombragée dans l'attente du début officiel des festivités.

 Et le voilà déjà, après cette courte ellipse narrative ! Les visiteurs, beaucoup plus nombreux qu'à notre arrivée, commencent à s'agiter tandis que les éléphants fendent la foule, guidés par leurs mahouts. Les masses se mettent en mouvement, suivant ces duos faciles à repérer jusqu'à un petit pont en surplomb de la rivière qui traverse le parc. C'est l'heure du bain ! Eh oui les ablutions quotidiennes des éléphants font partie du spectacle : ils se renversent dans l'eau sur le flanc, laissant simplement dépasser leur trompe pour respirer (bien pratique d'avoir un nez de deux mètres, ça fait tuba), et leur peau épaisse passe du gris poussiéreux à un noir luisant tandis que leurs cornacs leur frottent la cuirasse à l'aide de brosses à récurer, et que les visiteurs massés sur le pont les mitraillent à coup de Nikon. Ils en profitent pour déféquer allègrement dans le cours d'eau, on comprend alors l'utilité des trois ou quatre dames postées en contrebas avec des paniers d'osier, un rôle à la fois aussi indispensable et peu gratifiant que celui du papier hygiénique. Tout mon respect.

 Après ce court prélude, nous passons directement au véritable spectacle, qui aura lieu sur un petit terrain sablonneux et caillouteux. Les tours s'enchaînent comme au cirque, sans transitions, sous les rires, les « Oooooh... », les « Wouaaaah... » et même quelquefois les brusques inspirations interloquées du public qui font chuter un instant le taux de dioxygène de l'air environnant ; le coup des chapeaux, seul tour qui puisse être exécuté sur un autre sujet que le mahout lui-même et auquel nous avons déjà eu droit, quelques tours de cerceaux avec leurs trompes, puis une ou deux acrobaties : les éléphants se couchent sur les flancs pour laisser leurs maîtres leur monter dessus, se cabrent, et enfin s'accroupissent, le genou gauche à terre, l'autre remonté dans un angle à quatre-vingt-dix degrés, la patte avant droite posée sur le genou relevé et la patte avant gauche perpendiculaire au sol (c'est probablement difficile à concevoir mais c'est une posture que tout le monde connaît, imaginez que vous êtes un(e) vieux/vieille chasseur/euse chevronné(e) coiffé(e) d'un Stetson qui s'agenouille pour observer les traces de quelque animal sauvage) tout en supportant les cornacs en équilibre sur leurs trompes, qui leur permettent d'ailleurs de soulever jusqu'à trois-cents kilogrammes grâce aux trente-mille muscles qu'ils comportent – contre cinq-cents dans tout le corps humain. Les pachydermes entreprennent ensuite une petite séance de tirs au but, puis vient le clou du spectacle. Sous le regard interrogateur de l’assistance, les cornacs installent sur scène des chevalets garnis de toiles vierges tandis que les bêtes y amènent des boîtes à outils métalliques. Les yeux du public passent de l’interrogation à l’incrédulité lorsque les éléphants se munissent d’un pinceau modifié pour être facilement saisi par une trompe, puis de l’incrédulité à l’ébahissement lorsqu’ils se mettent à décorer délicatement des toiles pour y faire apparaître des bouquets de fleurs, des silhouettes d’éléphants ou même des paysages de montagne. Si vous êtes intéressés par la perspective de dire “Ah, ça ? Oh, c’est une petite bricole que j’ai ramenée de Thaïlande, je me suis dit que ça rendrait bien dans le salon. L’artiste ? Ah, je ne me souviens plus de son nom, un sympathique petit éléphant d’Asie…” et de briller un peu par une petite anecdote, vous pouvez acheter ces toiles dans la boutique à souvenirs. Mais c’est pas donné.

 

 Wouh, trop d’exotisme dans cette matinée! Elle est bien loin, notre belle France. Où sont passés les pigeons, les tickets de bus à cent baht, le volant à gauche, les grosses cylindrées, les boulangeries, les tuyaux, la grande échelle? Qu’est-il advenu de l’administration à la con, des politiciens assassins, du métro crado, des gens méchants, des regards goguenards, des têtes pas nettes, des yeux vitreux? Des psychotropes légaux et de la police municipale? Que deviennent le football, la politique, le doux mélange des deux? Johnny, Nagui, Cauet, Sébastien Patoche? Les jurons aussi variés qu’originaux? Que se passe-t-il dans la Maison des Secrets? Les Feux de l’Amour sont-ils toujours aussi ardents? Quatre mariages suffisent-ils pour une seule lune de miel? Qui veut gagner des millions? Gégé dit “L’Aventurier” plongera-t-il avec Nadège? Reverrons-nous un jour la tour Eiffel, le Pont des Arts, la place Bellecour? La fête du travail, de la musique, des lumières? Du bois, de la pomme, du citron? Que sont devenus le coq au vin, le bœuf au vin, le canard au vin, le lapin au vin, le chevreuil au vin, les diots au vin, les patates au vin, les poires au vin, la confiture au vin, les pots-de-vin? Quid du comté juraflore, du camembert qui pue, du Saint-Marcellin qui coule? Du jambon, du saucisson, du pâté, des rillettes? De la saucisse de Morteau, de Toulouse, de Strasbourg, de la saucisse crue, sèche, fumée, naturelle ou industrielle? J’ai envie d’une baguette. Mais...que vois-je? Quel est ce bâtiment dont les murs chatouillent ceux de notre hôtel? Le...French Guesthouse et son restaurant “chez Francette”? Duck confit, beef bourguignon, chocolate mousse et...la traditionnelle baguette de pain! Les Dieux nous envoient un message. À l’abordaaaaaage!

 

 Après nous être soignés à l’aide des salades au saumon de “chez Francette” et nous être littéralement battus comme des chiffonniers pour le quignon de la minibaguette de 25 centimètres (du petit pain blanc aux sucres rapides, mais frais et à dix mille kilomètres de la maison, ça fait bien plaisir) fournie avec le repas, nous retournons à notre camp de base (quatorze secondes de marche environ) pour prendre un peu de repos.

 Mon après-midi sera peu enrichissant, puisque je le passerai à regarder pour la cinquième ou sixième fois un certain long-métrage de Disney mettant en scène des pirates soit très mignons qui se marient de manière tout-à-fait réaliste en plein combat à l’épée, soit très moches qui tiennent absolument à avoir un capitaine.

 Celui de mes compagnons en revanche est nettement plus intéressant, mais je peux difficilement le relater, n’en ayant pas fait l’expérience. Par ailleurs, tout ce que j’ai réussi à tirer du JG se trouve dans mes enregistrements audio, à peu près en ces termes :

“Vous êtes allés vous faire masser. Est-ce qu’on pourrait avoir un témoignage?

- Témoignage.

- Elle est bonne celle-là.

- C’était très bien.

- Mais qu’est-ce que vous avez fait?

- On est restés allongés pendant qu’on se faisait tripatouiller.

- Raconte l’histoire de ton masseur.

- C’tait un masseur aveugle.

- Oui?

- Qui n’y voyait rien. (sept secondes de blanc) Avec une moustache. Et des grosses mains poilues.”

Vous savez tout : ils se sont fait masser par des masseurs aveugles moustachus aux mains poilues qui n’y voyaient rien. The end.

 

 Ah non, il faut tout de même que je précise où on est allés manger, ou vous allez croire qu’on s’est laissés mourir de faim. Car non, nous ne sommes pas de ces pleutres que la pluie arrête! Nul n’est capable de nous stopper, ni Cléopâtre, ni la pluie, ni la grêle, ni les sauterelles, lorsque sonne l’heure sacrée du manger et que nous nous mettons en chasse. Nous avons donc courageusement enfilé nos k-ways transparents informes et marché longtemps, longtemps, jusqu’à un petit restau bondé où nous avons attendu longtemps, longtemps, avant d’avoir à manger. La qualité fut, comme promis, digne d’un restaurant gastronomique. Malheureusement, la quantité aussi.

 

Photos!

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commentaires

M
<br /> Passionnant, vivant, humoristique bien écrit comme d'habitude .<br /> <br /> <br /> A quand un  bouquin pour réunir tous ces articles.<br /> <br /> <br /> Bravo mon Thisou<br /> <br /> <br /> Gros bisous<br />
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M
<br /> Eh bien voilà une suite ! C'est folklorique ces éléphants mais les masseurs ne sont pas mal non plus....<br /> <br /> <br /> Tu écris toujours aussi fabuleusement bien, continue!<br />
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